La guerre des clans - Une nouvelle vie
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Le Royaume des Loups.

InvitéInvité
MessageSujet: Le Royaume des Loups. Mer 8 Mai - 16:24

Résumé :

    Quand Morag met au monde un louveteau avec une patte courbée, elle est forcée par son clan de l'abandonner... Le petit est sauvé par Cœur-de-Tonnerre, une ourse désespérée de ne pouvoir être mère. Faolan grandit auprès de sa nouvelle maman. Jusqu'à ce qu'elle disparaisse. De nouveau seul, guidé par son instinct de loup, Faolan se demande si un jour il pourra lui aussi trouver sa place parmi les siens...


Épilogue : Loin du clan.


    Morag, la louve, était partie en quête d'une tanière isolée avant même de ressentir la première contraction dans son ventre. Elle savait au fond d'elle que cette naissance serait différente des autres. Elle voyageait depuis des jours à présent et l'heure de mettre bas approchait. Il lui fallait un endroit bien caché et couvert. Malgré l'arrivée du printemps, le temps restait froid et pouvait devenir plus froid encore. Les louveteaux pourraient geler. Un mince vernis de glace étoufferait les pulsations de leurs petits cœurs tout neufs, puis les battements s'arrêteraient et il n'y aurait plus que le silence. Ce malheur lui était déjà arrivé. Elle avait léché ses trois bébés jusqu'à ce que sa langue soit desséchée et en sang, mais elle n'avait pas réussi à lutter contre la glace.
    Elle était grosse de sa troisième portée maintenant. Et cette fois, elle savait qu'elle devait aller loin de la meute, loin du clan, de son compagnon et, surtout, de l'Obea.
    Le cinquième cycle lunaire de l'année débutait. Enfin, la louve flaira une tanière sous un rocher. Une forte odeur de renard s'en dégageait. Elle s'avança en adressant une prière silencieuse au ciel. " Faites qu'il n'y ait qu'un renard, s'il vous plaît, Lupus. Je ne veux pas avoir à chasser des renardeaux. "
    Sa prière fut exaucée. Elle ne rencontra qu'une renarde qui attendait de mettre bas. Elle l'a délogea et s'installa dans la tanière. L'odeur de l'ancienne occupante avait imprégné les lieux. " Tant mieux ", pensa-t-elle. Elle procurait un excellent camouflage. La femelle se roula dans les excréments de renard laissés à proximité.
    Ils vinrent enfin. Trois louveteaux, deux de couleur fauve comme leur père et le troisième d'un gris argenté. Ils étaient parfaits à ses yeux. Elle ne découvrit qu'après un long moment le minuscule défaut du mâle argenté: une patte avant tournée légèrement en dehors. En l'examinant de plus près, elle s'aperçut que le coussinet de ce pied présentait des nervures très fines en forme de spirale, comme une étoile tourbillonnante. C'était étrange, mais ça ne constituait pas une difformité, pas plus que la courbure de sa patte. Elle décida que son fils n'était pas malcadh, l'ancien mot loup qui signifiait "maudit". Elle espérait que la patte se redresserait d'elle-même au fil des jours. Quant au dessin en relief, il était si discret qu'il ne laisserait pas d'empreinte, même dans la vase. Le petit semblait vigoureux, à en juger par l'énergie avec laquelle il tirait sur sa mamelle. Mais tout de même, elle avait bien fait de s'éloigner du clan.
    Elle traîna les louveteaux un par un dans les recoins de la tanière. Par chance, deux ou trois tunnels aboutissaient à une chambre souterraine. Ils n'en bougeraient pas pendant quelques jours, elle enroulé autour de ses petits, les nourrissant dans l'obscurité apaisante. Ils deviendraient remuants bien assez tôt ; lorsque leur yeux s'ouvriraient, ils chercheraient la lumière pâle et scintillante à l'entrée de la tanière. Le jour les attireraient comme le parfum de son lait, ou, plus tard, celui de la chair fraiche. D'ici là, ils seraient en sécurité tant qu'ils resteraient cachés. Le louveteau argenté se fortifierait de jour en jour et, au fur et à mesure, la menace de l'Obea s'effacerait.
    Hélas, les rêves insensés de la louve ne durèrent que quelques heures.

••••••••

    Les lois des clans étaient impitoyables. L'Obea était chargée d'emporter les louveteaux difformes loin de la louvière, et de les abandonner à un endroit où ils finiraient par mourir. Seules les louves stériles pouvaient effectuer cette tâche. On supposait qu'elles n'avaient pas développé d'instinct maternel. Sans petits, les Obeas se consacraient entièrement au bien-être du clan, qui ne pouvait être sain et fort s'il gardait des loups atteints de malformations. Les règles étaient claires. Un louveteau malade ou infirme était voué à mourir de faim ou à être dévoré par un prédateur. S'il réussissait quand même à s'en sortir, on lui permettait alors de réintégrer une meute parmi les crocs-pointus, les loups qui occupaient le rang le plus bas de la meute. Une mère de louveteau malcadh devait quitter les siens pour toujours. Le clan se débarrassait d'elle et de son compagnon. Pour survivre, ils devaient se séparer, chercher une nouvelle vie ailleurs, au sein d'autres clans.
    Shibann avait appris à se méfier des femelles grosses d'une portée qui s'en allait by-lang (c'est-à-dire "très loin"). En Obea expérimentée, elle ne s'était pas laissé berner par les ruses de Morag. Shibaan devait admettre que Morag était plus soigneuse que la majorité des louves. Elle avait méticuleusement effacé ses traces et n'avait déposé aucune odeur pour marquer son territoire. Un loup ordinaire n'aurait pas remarqué les indices de sa fuite désespérée. Mais Shibaan n'était pas une Obea ordinaire. Elle décelait les empreintes les plus subtiles. Une touffe de duvet argenté prise dans des chardons. Des griffures sur une pierre ayant servi d'appui au milieu d'un ruisseau. En avançant, Shibaan perçut une légère odeur animale- un message. Il était facile à interpréter : "Tu pénètres sur le territoire d'un lieutenant du clan MacDermott". Ainsi, ce lieutenant avait réagi à la présence d'un intrus. "Morag a osé traverser la frontière du domaine MacDermott, compris Shibaan. Elle n'a pas froid aux yeux !"
    Elle repéra ensuite l'odeur du renard, mêlée à une autre, moins définissable. Shibaan secoua la tête d'un air las. "Ah ! Ces louves ! Je finis toujours par les retrouver, même les plus futées." Un poil gris dépassait des déjections de renard devant la tanière : il indiquait que là, sous le rocher se dissimulait une louve. Poisseuse d'excréments, elle embaumait néanmoins le parfum si doux des nouveau-nés et du lait chaud.
    Pas d'histoires, pas de bagarre. Les mères de louveteaux malcadh ne se révoltaient jamais. Elles savaient que si elles résistaient, toute leur portée serai immédiatement tuée.


••••••••

    Morag regarda donc l'Obea Shibaan emporter son louveteau argenté nouveau-né entre ses mâchoires. Elle les suivit des yeux jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'un point noir sur l'horizon. Cette tâche convenait si bien à Shibaan ! Après tant d'années passées à faire ce travail avec une obéissance absolue, on aurai dit qu'il ne restait plus chez l'Obea le moindre soupçon de sentiment ou d'imagination. En plongeant ses prunelles vertes dans celles de Shibaan, Morag n'avait rencontré que deux yeux vides, totalement dépourvus de lumière et de profondeur. Ils étaient comme des pierres sèches, décolorées par le temps.
    Le petit mâle argenté s'était laissé attraper par la peau du cou avant de se rouler en boule, adoptant instinctivement la position de portage. Ne sentait-il pas que l'odeur de l'Obea était différente de celle de sa mère ? Que cette femelle qui le tenait dans sa gueule n'avait pas de lait ? Le louveteau n'avait cessé de téter depuis sa naissance -évidemment, cela n'avait duré que quelques heures. Ses paupières et ses oreilles étaient toujours fermées. Elle ne s'ouvriraient pas avant plusieurs jours. Il ne pouvait reconnaître sa mère qu'à l'odeur, et peut être au contact de sa fourrure et au rythme de ses battements de cœur. En garderait-il le souvenir ? Mais au fond, quelle importance ...
    Une tempête couvait. Morag l'avait sentie venir et avait vu le ciel de plomb s'alourdir peu à peu et se refermer sur terre, comme un piège. Son louveteau allait être abandonné au milieu de cet orage, tandis qu'elle attendrait le retour de l'Obea qui la ramènerait à son clan. L'Obea prendrait un bébé dans ses mâchoires, et Morag l'autre. La nouvelle de la naissance d'un malcadh serait annoncée et Morag serait immédiatement bannie de la meute. Une autre femelle nourrirait ses deux petits.

••••••••

    En bonne Obea, Shibaan était dotée d'une grande intelligence et d'un excellent sens pratique. "Où conduire ce louveteau afin de ne lui laisser aucune chance de survie ?" s'interrogeait-elle.
    Elle avait discerné quelque chose sur le coussinet de la mauvaise patte du petit : une étrange marque en forme de spirale. Pourquoi cela la perturbait-il autant ? Elle n'aurait su le dire. Mais son cœur tremblait. Elle aurait pu le tuer, mais elle était trop superstitieuse. Elle ne voulait désobéir à la loi et elle voulait pouvoir, après sa mort, remonter le sentier des esprits jusqu'au Grand Loup, Lupus, et à la grotte des âmes.
    Elle avait conscience d'être chargée des basses besognes de son clan. Cela ne la dérangeait plus maintenant. Renoncer à avoir des petits à elle avait été dur, au début. C'était comme un caillou pointu et douloureux coincés entre ses coussinets. Cependant, au fil des années, à mesure qu'elle avait gagné le respect du chef, ce caillou était devenu lisse et poli comme un galet de rivière. Il n'était plus le signe de son échec, mais une simple partie d'elle, de son identité, de son travail et de son devoir d'Obea.
    Devant elle, Shibaan aperçut les reflets scintillants du fleuve. C'était là qu'elle laisserait le nouveau-né. Avec le dégel printanier, le fleuve commençait à casser sa croûte de glace. Bientôt, le niveau de l'eau s'élèverait et la crue noierait le louveteau.
    Elle atteignit un endroit où le courant avait creusé la rive. Elle nota les premiers signes du dégel. Sans aucun doute, ce coin serait englouti par les eaux quand l'orage aurait éclaté.
    Consciencieuse, elle déposa avec soin le petit sur une avancée de glace. Dans son esprit, ce n'était ni un mâle, ni une femelle, ni même un loup. Seulement une créature qui se tortillait comme un ver, en gémissant faiblement. Plus pour longtemps, cependant. Si le torrent ne l'emportait pas, une chouette s'en chargerait. Le fleuve longeait un des principaux couloirs de navigation des chouettes charbonnières qui se rendaient dans le Par-Delà pour ramasser les braises crachés par les volcans. Malgré les relations excellentes qu'entretenaient les loups et les chouettes, les louveteaux malcadh constituaient des proies faciles.
    Le louveteau tentait de s'agripper à la surface froide et lisse avec ses minuscules griffes. Ses faibles plaintes se transformèrent en pleurs, mais l'Obea ne réagit pas. Elle n'éprouvait rien au fond de son cœur. "Je suis l'Obea. Il n'y a rien d'autre à dire. Et c'est bien ainsi. Je suis l'Obea, c'est tout."


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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Mer 8 Mai - 17:22

CHAPITRE UN :
Le rugissement du fleuve.

    Aveugle et sourd, le louveteau sortait la langue pour téter, mais la mamelle chaude et le parfum du lait avaient disparu. Il ne sentait plus que le froid qui l'envahissait, rien d'autre. Bientôt son petit corps fut secoué de violents frissons. Comment son monde avait-il pu changer aussi vite ? Où étaient passés le flot de lait tiède, la douce fourrure, le contact des autres louveteaux ? Le peu de choses qu'il avait connues durant sa brève vie n'existaient plus. L'odorat, le goût et le toucher, les seuls sens qu'il possédait, lui étaient retirés. Le petit se sentit glisser dans un précipice terrible entre la vie et la mort, dans un grand vide. Il s'engourdit peu à peu.
    Quelque chose bougea autour de lui. La croûte de glace du fleuve se souleva, provoquant des grondements si puissants qu'ils s'insinuèrent à l'intérieur des oreilles du louveteau. Soudain, il se mit à dévaler la pente. Mais il enfonça ses petites griffes acérées et il s'accrocha de toutes ses forces à un bloc de lace.
    Le sort est parfois cruel. Le louveteau gagna deux sens vitaux, la vue et l'ouïe, au moment où le fleuve rompait sa prison de glace. Ce fut peut être à cause du choc que ses oreilles et ses yeux s'ouvrirent.
    D'immenses torrents se mirent à labourer les rives et déracinèrent des arbres.
    Le louveteau s'enfonçait à présent dans les eaux glacées du fleuve. Il se cramponna plus fort avec sa patte tordue, qui semblait avoir une meilleur prise.Il aurait sans doute été plus facile, et moins douloureux, d'abandonner, de se laisser noyer. Mais l'instinct de survie commandait. Il ouvrit plus grand les paupières et l'éclat de la pleine lune le fit plisser les yeux.
    Il apprit ainsi sa première leçon : il pouvait ajuster ses yeux à la luminosité. Il était donc capable d'influer sur certaines choses. Que pouvait-il contrôler d'autre ? Pouvait-il revivre la chaleur d'avant ? Retrouver le parfum du lait, son goût ? La cohue de ces petites boules de poils qui se bousculaient et retombaient sur lui alors qu'elles se ruaient vers les mamelles ? Les vibrations rythmées et rassurantes qu'il ressentait en se pressant pour téter ?
    Des gerbes d'eau glaciale l'éclaboussaient mais il tenait bon. De temps en temps, il sentait le bloc de glace tournoyer sur place. La lumière se mettait à tourbillonner et il était pris d'une nausée étourdissante. Alors il fermait fort les yeux pour se stabiliser. Son radeau finissait par se dégager dans une grande secousse et le tumulte du torrent l'entraînait de nouveau. La surface qui le soutenait rétrécissait dangereusement. Ses pattes arrières pendaient dans le fleuve et la paralysie le gagnait. Il se sentait devenir de plus en plus faible. Il commença à lâcher prise.
    La dernière chose qu'il sentit fut une secousse spectaculaire, puis ses griffes crissèrent sur le dernier fragment de glace encore flottant.


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    Le Royaume des Loups. 216998Sanstitre6
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Mer 8 Mai - 19:27

CHAPITRE DEUX :
Le don du fleuve.

    Par cette nuit de tempête, les lamentations de la mère ourse faisaient trembler la rive du fleuve. Accablée par un énorme chagrin, elle respirait fort et poussait des cris pathétiques. Les longs poils de son dos, gainés de glace, frémissaient.
    Quand la crue avait menacé d'inonder sa tanière, elle avait tourné le dos un instant pour scruter les hauteurs, à la recherche d'un autre abri. Profitant de cette seconde d'inattention, des couguars avaient surgi et s'étaient emparés de son ourson. Son seul et unique ourson ! Elle n'en avait eu qu'un cette fois. Elle avait mangé pendant tout l'été, s'était engraissée tout l'automne, et pour quoi ? Pour perdre celui qu'elle avait espérer accueillir et entourer de son large corps. Celui qui restait probablement son dernier-né.
    Le lait encore dégoulinant des mamelles, elle s'offrait à présent à la fureur du fleuve, prête à mourir. Elle renversa sa tête massive vers la lune blanche et vitreuse et supplia le dieu Ursus : "Prenez-moi, prenez-moi ! Emportez-moi ! Tuez-moi ! Je veux mourir !"

••••••••

    La femelle perdit la notion du temps. La nuit s'assombrit, le vent chassa l'orage. À l'aube, on ne voyait plus que quelques nuages noirs amoncelés sur l'horizon. En plusieurs heures, le montée des eaux avait atteint un pic, mais le courant n'avait toujours pas emporté l'ourse.
    Au lever du soleil, une masse sombre s'accrocha soudain à sa patte arrière à moitié immergée. Elle secoua le pied, gênée par une sensation de grattement. Mais plus elle l'agitait, plus la chose se cramponnait. Agacée, elle finit par sortir la patte de l'eau pour la poser sur la rive.
    Elle ignorait ce qui l'avait empêchée de cet objet encombrant d'un simple coup de patte. Il ressemblait beaucoup à une boule de ronces et de saletés, rien de plus.
    Pourtant cette chose éveilla sa curiosité. Elle avait déjà vu des étincelles jaillir quand deux rochers se heurtaient ou quand la foudre frappait un arbre, mais jamais elle n'aurait imaginé qu'une étincelle pourrait jaillir du fleuve, vive et intacte, et porter la promesse de la vie. Alors elle se pencha et ramassa délicatement le petit paquet avec ses deux pattes avant. Elle ne décela aucun mouvement, aucun signe de respiration. Pourtant il s'agissait d'un bébé, et lorsqu'il décolla douloureusement ses paupières, des étincelles se mirent à danser. Les rayons de l'aurore brillaient dans ses yeux. L'ourse, sous le choc, aperçut sa propre image dans le regard de cet animal, qui n'était ni de son sang ni même de son espèce. "C'est un louveteau, pensa-t-elle. Je veux mourir et lui lutte pour survivre !"
    Elle leva la tête et chercha la constellation du Grand Ours sur la voûte céleste. Elle savait que ce louveteau lui était envoyé par Ursus, en guise de message et de reproche. Elle ne devais pas penser à la mort. Son heure n'était pas venue. Ce pauvre louveteau n'avait pas atterri sur sa jambe par hasard.

    -Faolan, murmura-t-elle. Je t'appellerai Faolan.

    Fao signifiait à la fois "rivière" et "loup", et lan était le mot ours pour "don".

    -Car tu es un don du fleuve, dit-elle en le prenant tendrement contre sa poitrine.


••••••••

    Le louveteau flaira des traces de lait dans la fourrure épaisse et il y enfonça son museau. Quelle surprise ! Ce n'étais pas l'odeur qu'il connaissait. Le goût aussi avait changé. Sans parler de ce nouveau bruit terrifiant - un gros martèlement régulier de coups puissants et de glouglous. Pressé contre la mamelle de l'ourse, Faolan était secoué par cet étrange concert. Pourtant il se sentait en sécurité.
    C'était une autre mère de lait. Énorme, celle-là, dix fois plus grosse que la première. Peu à peu, il s'habitua aux pulsations de son cœur géant et à la turbulence de son estomac.
    Il but, encore te encore. Il baignait dans un monde de lait. De lait nourrissant et épais. Bientôt il ferma les paupières et s'assoupit en tétant.

••••••••

    L'ourse contempla Faolan et de grosse larmes roulèrent aux coins de ses yeux. "L'esprit du fleuve t'a amené à moi. Il doit y avoir une raison. Je vais te nourrir jour et nuit. Une flamme peut naître d'une étincelle et devenir un grand feu."
    Elle soufflait son haleine douce et chaude sur lui. Le louveteau battit des cils, avant de sombrer dans un sommeil profond et sans rêve.


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InvitéInvité
MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Jeu 9 Mai - 10:07

CHAPITRE TROIS :
Un monde de lait et de lumière.

    L'ourse se demandait comment elle allait bien s'occuper de ce louveteau. C'était une créature gloutonne, mais très différente d'un ourson. Son odeur était différentes, ses gestes également. Plus gros qu'un ourson nouveau-né au moment où elle l'avait recueilli, il ne grossissait pas aussi vite. Un petit d'ours aurait déjà doublé de poids à son âge. L'ourse s'inquiétait : peut être que son lait ne lui convenait pas ? Ou peut-être qu'elle ne le tenait pas comme il fallait ? Le dieu Ursus lui avait envoyé ce bébé, et elle attendait chaque jour d'autres signes de sa part qui la guideraient.
    Elle voulait tellement qu'il devienne plus qu'un simple protégé ! Sentait-il lui aussi qu'ils formaient un drôle de duo ? "Sans doute pas ; après tout, ce n'est qu'un ourson", se dit-elle. Elle sursauta et pouffa de rire. "Tiens ! Je l'ai appelé ourson ! En fin de compte, un petit est un petit. Ils sont tous pareils. Ourson, louveteaux ... Ils ne pensent qu'à boire du lait."
    Elle le prit dans ses énormes pattes et le souleva à hauteur de son visage. Ils se regardèrent longuement. Les yeux du louveteau étaient en train de prendre une belle teinte verte, comme celle des yeux des loups du Par-Delà ; tandis que ceux de l'ourse étaient d'un brun chaud et brillant.

    -Toi, tu es un drôle de bonhomme !

    Elle lécha sa truffe humide. Il réagit par un petit cri joyeux.

    -Oh, tu aimes ça !

    Elle recommença et cette fois, il aboya de plaisir. Une fois à terre, il se roula sur le dos et tendit les pattes, comme s'il attendait quelque chose. L'ourse comprit qu'il voulait être chatouillé. Elle s'adressa à lui avec un mélange de paroles, de grognements et de reniflements.

    -Oh ! Tu veux que je continue, coquin !

    Les mots prononcés par les loups, les ours et les chouettes se ressemblaient beaucoup, mais le ton, le regard et les mouvements subtils de la tête créaient un langage caché, difficile à comprendre pour les autres espèces.
    Elle le gratouilla et le louveteau se redressa d'un bond, ravi. Ils recommencèrent ainsi plusieurs fois, puis Faolan courut sur quelques mètres et tourna la tête d'un air espiègle. Subitement, il fit volte-face, fonça sur elle et lui sauta dessus. Elle fut si surprise qu'elle tomba en arrière. Il grimpa sur sa poitrine et se mit à lui donner de grands coups de langue sur le menton et le museau.
    L'ourse grondait de rire et de plaisir. Plus elle riait, plus Faolan lui léchait le nez. Ses yeux se remplirent de larmes. Pendant des jours entiers, le louveteau avait téter sans lui prêté attention. Et il avait suffi d'un instant pour qu'il se mette à jouer avec elle et qu'il réponde à ses gestes tendres. Ils pouvaient donc communiquer ! Elle le souleva de nouveau avec douceur.
    Après avoir échangé un long regard, Faolan frétilla et lança un aboiement qui signifiait : "Du lait ! Du lait !" Elle le prit au creux de sa patte et il s'accrocha à sa mamelle. Mais rien n'était plus comme avant. Les paupières grandes ouvertes, il la fixait. On aurai dit qu'un courant circulait entre eux. Faolan buvait le lait et la femelle plongeait avec bonheur dans l'éclat de ses yeux. Elle se sentit submergée par une immense vague d'amour.


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Brume Perdue
Brume Perdue
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Jeu 9 Mai - 12:18

Moi j'aime les histoires de loups *O*
InvitéInvité
MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Jeu 9 Mai - 12:38

    Oui, mais celle-là est un peu tirer par les cheveux Shocked


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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Jeu 9 Mai - 17:20

CHAPITRE QUATRE :
Cœur-de-Tonnerre.

    C'était la famille la plus curieuse qu'on eût jamais vue. Dame grizzly, grande et forte, marchait d'un pas lourd. Les pointes argentées de son pelage brun scintillaient au soleil. Le louveteau, à la fourrure d'un gris plus vif, trottinait tantôt devant, tantôt derrière, ou encore à son côté. Ensemble, ils fouillaient la terre à la recherche des jeunes pousses qui commençaient à percer au printemps. L'une grognait ; l'autre répondait en glapissant ou en lâchant des aboiements secs. Néanmoins ils se comprenaient, et plus le temps passait, plus il semblait à l'ourse qu'élever un louveteau n'était pas différent d'élever un ourson.
    À présent, Faolan savait tourner la tête à la manière d'un ours pour dire non. Mais qu'il était petit ! Maigrelet et sans défense ! Cela désespérait la femelle. En revanche, il courait très vite et pouvait parcourir de longues distances grâces à ses accélérations fulgurantes. Sa vitesse pourrait peut-être le sauver si sa taille posait un problème. Évidemment, elle ne compenserait jamais l'infirmité de sa patte avant. Un loup, comme un ours, avait besoin de ses quatre pattes à cent pour cent.
    Faolan traînait maintenant derrière elle en gémissant. "Je suis fatigué", lui signifiait-il. Elle se tourna vers lui et lui décocha un regard noir. Alors il s'accroupit sur un monticule couvert d'herbe tendre et secoua la tête.

    -Non, non et non ! grogna-t-il.

    Puis il souffla un gros nuage de buée par les narines, comme pour déclarer : "J'ai trop chaud !"
    Pour finir, il se traîna péniblement jusqu'à l'ourse et se frotta contre elle, désireux de se hisser sur son dos. Ayant mis au monde trois portées d'oursons, dame grizzly avait déjà entendu ces plaintes. Qu'ils soient ours ou loups, les jeunes se fatiguaient, devenaient grincheux, et finissaient par vouloir retourner à la tanière afin de se gaver de lait sans effort. Il fallait bien pourtant que le petit apprenne à se procurer d'autres nourritures, car l'allaitement ne durait pas éternellement. Elle jugeait cette leçon particulièrement importante pour Faolan. "Par Ursus, qu'il est petit ! Tous les louveteaux de son âge mesurent-ils la même taille ?" se tourmentait l'ourse.
    Elle était étonnée de s'être à ce point attachée au louveteau. L'étincelle qu'elle avait aperçue dans ses yeux le matin de leur rencontre avait provoqué un incendie dans son cœur -et donné un tempérament de feu au petit. Comment une créature aussi minuscule pouvait-elle avoir autant d'énergie ? Il était vif, intelligent et très tenace. Mais le temps était venu de dompter ce caractère fougueux.
    Elle bouscula Faolan du bout de son museau carré. Il tituba en arrière en faisant semblant d'avoir mal.

    -Debout ! grogna-t-elle.

    -Non ! Non ! fit le louveteau.

    "Non" était de loin son mot préféré. L'expression "Encore du Lait !" arrivait en deuxième position. Il ne les prononçait pas tout à fait comme un ourson. Sa voix était plus aiguë, moins profonde. Par contre, ses gestes étaient ceux d'un petit ours. En le voyant remuer brusquement la tête, sa mère d'adoption se qu'elle n'avait jamais remarqué ce genre d'attitude chez un loup adulte. Un jour, cachée derrière un énorme rocher, elle avait observé une meute de loup en train de dévorer la carcasse d'un élan. Leurs moindres faits et gestes s'accompagnaient de cérémonies élaborées. Certains loup mangeaient en premier ; d'autre arrivaient ensuite en rampant et semblait demander la permission de se joindre au repas. Comment réagissaient-ils au pleurnicheries d'un louveteau mâle et un peu comédien comme Faolan ? Celui-ci venait de s'affaler sur le dos en agitant sa mauvaise patte d'un air dramatique !
    Il voulait rentrer, se reposer dans l'ombre fraiche et accueillante de la tanière, respirer le parfum des tapis de mousse duveteuse sur lesquels il adorait faire sa sieste du matin. Surtout, il voulait se blottir contre l'ourse et se gaver de lait. Ses gémissements reprirent de plus belle.

    -Urskadamus ! jura l'ourse.

    Ce qui signifiait quelque chose comme : "Maudit soit l'ours enragé !" Agacée, elle lança un avertissement à Faolan en haletant bruyamment. Mais il ignora le reproche et continua de se lamenter.
    "Assez ! pensa-t-elle. Il s'écoute trop. Il doit apprendre à apprivoiser ses faiblesses et à les transformer en atouts." Ce serait difficile à accepter, mais le monde qui l'attendait n'était-il pas encore plus cruel ?
    Pour la première fois, elle émit un grondement sévère et abattit sa lourde patte sur une des pattes valides de Faolan. Il se mit à hurler de douleur. Ses yeux verts se remplirent d'étonnement. "Comment as-tu pu me frapper ? Pourquoi ?" se demanda-t-il, au bord des larmes.
    La femelle grizzly n'avait pas toujours de mots pour dire clairement ce qu'elle voulait. Parfois, enseigner par l'exemple valait tous les discours. Alors elle contourna Faolan à pas lents et se mit à creuser dans un carré d'ail sauvage avec une patte qu'elle utilisait peu d'ordinaire pour ce genre de tâche. Le message était clair : "Utilise ta patte tournée en dehors ! Fais-en ta patte pour creuser."
    Docile, Faolan gratta la poussière à l'endroit où poussaient les bulbes. Il lui fallut un long moment, mais il finit par en déterrer un. Très fière, la femelle s'avança jusqu'à lui en faisant entendre un ronron sourd. Elle le caressa doucement du museau et lui lécha le menton de son énorme langue. Puis elle se tourna et recommença à farfouiller dans le sol. Faolan la regarda d'un air consterné. "Encore ?" se dit-il. Mais il l'imita et reprit le travail. Il ne voulait pas qu'elle se remette encore en colère. Et si elle refusait de le nourrir après ? Il redoubla ses efforts.

••••••••

    Le petit s'en était bien sorti. Elle l'avait surveillé du coin de l'œil. En un temps record, il avait trouvé comment il pouvait orienter sa mauvaise patte afin de l'utiliser le mieux possible.
    Faolan apprenait vite. De plus, il était inventif. Mais l'ourse regrettait de si peu connaitre les loups. En général, les ours et les loups s'évitaient. C'était totalement différent avec les chouettes. Elles étaient leur alliées depuis l'époque où les loups s'étaient installés dans le Par-Delà. L'ourse se répétait souvent que si elle était née chouette, elle aurait fait une meilleur mère pour ce petit. Mais à quoi bon ruminer de telles pensées ?
    Au lieu de se morfondre, elle se creusait la cervelle et tentait de rassembler ses souvenirs. Combien de fois avait-elle observé des loups ? Elle se rappelait avec précision qu'un jour elle avait épié deux meutes depuis un rocher en hauteur. Elle avait pu voir que leur méthode de chasse était très différente de la sienne. Les loups étaient moins gros et moins puissants que les ours, mais ils se rattrapaient par l'intelligence. Les ours formaient jamais de bande. Cela pouvait-il expliquer qu'ils raisonnent différemment ? La façon de vivre des loups leur paraissait compliquée et mystérieuse.
    "Quant aux chouettes, songeait l'ourse, n'en parlons pas." Elles savaient fabriquer des outils et des armes. Elles plongeait des objets dans le feu pour se fabriquer des griffes. Une pensée terrifiante lui traversa l'esprit : "Et si je n'étais pas assez intelligente pour élever un louveteau ?"
    Sur le chemin de la tanière, elle observa discrètement Faolan. Le pauvre chancelait de fatigue et remontait le sentier étroit en zigzaguant. "Eh bien, se dit-elle, je ne suis peut-être pas très intelligente, mais je suis tout ce qu'il a." Elle prit le louveteau dans sa gueule. Au moins deux cycles lunaires avaient passés depuis leur rencontre et il était encore assez léger pour être porté comme un ourson d'une lune.
    Le lendemain, ils iraient encore plus loin pour fouiner dans les cachettes des écureuils, à l'intérieur des pins à l'écorce blanche. L'écorce utilisés par ces animaux pour garnir leur nids constituait un aliment très nourrissant. Avec un peu de chance, peut-être tomberaient-ils sur un écureuil. Au printemps, les ours mangeaient surtout des herbes, des racines et des fruits oléagineux. Ils ne mangeaient du gibier que plus tard dans l'année, sauf s'ils trouvaient par hasard le corps d'un vieil animal qui n'avait pas survécu à l'hiver.


••••••••

    Elle avait choisi une nouvelle tanière pour la saison chaude. C'était un des plus jolis abris qu'on puisse imaginer. Il se situait dans un petit bois, au bord du fleuve, sur une rive couverte de lis jaune et d'iris bleus, à un endroit qui grouillerait bientôt de truites.
    À leur retour, Faolan somnolait, mais il avait encore la force de téter. L'ourse s'assit toute droite, ses pattes arrière tendues devant elle. Pendant que Faolan se rassasiait, elle contempla le ciel du soir, couleur lavande. Qu'elle différence entre ce spectacle et la nuit de tempête où Faolan était apparu !
    Elle baissa les yeux sur le louveteau repu. Elle ne cessait de s'interroger à son sujet. Sa patte tournée en dehors n'avait rien de très extraordinaire, cependant le léger dessin en spirale qui ornait son coussinet l'intriguait. Ce motif avait quelque chose de fascinant. Qu'est-ce que cela signifiait ? D'où venait Faolan ? Pourquoi le fleuve le lui avait-il confié ? Était-il seul au monde ? Les loups étaient des animaux de meute. Comment pourrait-elle remplacer non seulement sa mère, mais son clan tout entier ?

    -Urskadamus ! jura-t-elle tout bas.

    L'ourse se posait mille questions. Les loups ne pouvaient s'assoir à la manière des ours. Alors les mamans devaient nourrir leur petits autrement -en s'allongeant au sol peut-être ? Mais elle avait toujours peur de l'écraser accidentellement en roulant sur le côté. Il était si minuscule par rapport à elle ! Les loups ne savaient pas non plus se lever sur leur pattes arrière. Quel dommage que Faolan ne puisse pas faire comme elle ... Elle voyait tant de choses en se mettant debout ! Et si elle lui montrait ? Après tout, elle ne perdait rien à essayer de lui apprendre.
    Elle le regarda de nouveau et le câlina. Elle l'aimait si fort. Cela paraîtrait étrange, voire suspect, au yeux des autres ours, mais ça lui était égal. Complètement égal.


••••••••

    Faolan se tortilla légèrement et, ivre de lait, il glissa dans un profond sommeil. Il s'était habitué aux bruits très forts du corps de sa mère adoptive : à ses inspirations et expirations mugissantes, et surtout, aux battements tonnants de son gros cœur. Ces sons s'insinuaient à l'intérieur de ses rêves et le berçaient jusqu'au matin. Pour lui, l'ourse n'était plus simplement une mère de lait ; dans son esprit, il l'avait surnommée Cœur-de-Tonnerre.


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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Ven 10 Mai - 6:04

Super histoire Sang Sang !
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Sam 11 Mai - 16:03

CHAPITRE CINQ :
La leçon de pêche.

    Aux premières lueurs de l'aube, Cœur-de-Tonnerre se leva et laissa tomber Faolan brusquement.

    -Suis-moi et regarde ! ordonna-t-elle en lui donnant un petit coup de museau.

    Il la suivit le long du fleuve, jusqu'à un rocher plat qui descendait dans l'eau en pente douce. À cette saison, les truites commençaient à se rassembler en banc dans le contre-courant, juste sous la dalle de pierre. Pêcher demandait de la patience et Cœur-de-Tonnerre savait que les louveteaux, comme les oursons, en manquaient -surtout Faolan. Elle espérait néanmoins qu'il y arriverait. Il devait à tout prix s'engraisser et prendre des forces.
    La pêche était évidemment plus simple à l'automne, quand les saumons remontaient le fleuve par dizaines. Il suffisait alors de barboter en amont d'un rapide et de les attraper au moment où ils sautaient pour déposer leurs œufs. Pressés de se reproduire, ils devenaient des proies faciles. Mais les truites ne sautaient plus à cette période de l'année et les attraper représentait un vrai défi.
    L'ourse attendit en scrutant l'eau, à l'affût du moindre reflet. Elle sentit Faolan s'agiter et comprit qu'il ne tiendrait pas immobile beaucoup plus longtemps. Mais hélas, les poissons se faisaient désirer. Le louveteau se mit à gémir et hocha la tête en direction d'un bouquet de roseaux qui poussait à proximité. D'un grognement, elle lui donna la permission d'y aller. Il ne lui restait plus qu'à surveiller le petit d'un œil, et de l'autre les poissons.
    Faolan semblait heureux. Les roseaux cachaient toujours des foules de larves, de scarabées ou de coccinelles, un mets très apprécier des ours -et de lui-même, à présent. Il en trouva et poussa un cri de joie.
    Au moment où son museau ressortait des roseaux tout mouchetés de points rouges, Cœur-de-Tonnerre aperçut le reflet argenté d'une truite. Il y eut un "splash" retentissant lorsque sa patte gifla la surface du fleuve. Puis elle saisit le poisson et le cogna contre le rocher. Le sang gicla. Des gouttelettes, comme figées en suspension, scintillèrent dans les rayons du soleil levant.
    Faolan s'immobilisa, les yeux rivés sur les gouttes tournoyantes. Son cœur battait fort. Il se mit à saliver. Il éprouvait de nouvelles sensations étonnantes à l'intérieur de sa gueule. Une faim d'un genre particulier lui creusait l'estomac. Il n'avait jamais ressenti une telle admiration pour Cœur-de-Tonnerre. Il secoua la tête pour se débarrasser des coccinelles et s'avança vers l'ourse.
    Il baissa le cou au ras du sol, puis tout le corps, couchant les oreilles et montrant le blanc de ses yeux.

    -Que fais-tu ? demanda doucement Cœur-de-Tonnerre.

    Pour une fois, Faolan avait vraiment l'air d'un loup. Elle sut d'instinct qu'il lui témoignait du respect. Mais où et comment avait-il appris ses gestes ?
    L'odeur du sang avait des effets surprenants. En ouvrant le corps du poisson avec sa griffe, elle avait éveillé l'envie du sang chez le louveteau. Les oursons n'y étaient pas indifférents non plus, mais aucun ne se comportait de la sorte. Ils se précipitaient tous et se disputaient le premier morceau de viande fraiche. Ils se poussaient et tentaient de s'imposer en réclamant d'y goûter à grands cris. Faolan, lui, s'approchait à plat ventre. "Comme si j'étais le dieu Ursus en personne !" se dit l'ourse.
    Elle déchira la truite en deux et la lâcha devant Faolan. Au lieu de se jeter dessus, il leva vers elle des yeux presque implorants. Elle voyait des filets de baves dégouliner de sa gueule. Comme il hésitait, elle poussa le poisson plus près de lui. Mais il ne fit que s'aplatir d'avantage en émettant des petits glapissements. Cœur-de-Tonnerre l'étudia avec attention. Ses yeux allaient entre le poisson et elle. Elle finit par comprendre.
    "Incroyable ! Il veut que je mange la première ! Mais comment survivra-t-il s'il laisse les autres se servir d'abord ?" Était-ce la coutume chez les loups ? Une sorte de rituel de meute ? "Il faut pourtant qu'il mange ! Sinon, c'est lui qui se fera manger !" Le comportement de Faolan la remplissait de confusion.
    Elle finit par céder. Elle arracha la queue du poisson avec ses dents et laissa au louveteau les morceaux les plus nourrissants.
    Il dévora le tout en un clin d'œil.
    À partir de ce moment, Faolan se transforma en élève modèle. Il passa le reste de la matinée à nager derrière l'ourse dans le fleuve et à examiner les moindres fentes en quêtes de truites. Il devint vite très adroit pour attraper les poissons et les assommer. Surtout, il exploitait à merveille sa patte tordue. C'était peut être ce qui réjouissait le plus Cœur-de-Tonnerre.
    L'après-midi venu, gavés de poissons, ils s'allongèrent sur la rive ensoleillée et observèrent la course des nuages dans le ciel. L'ourse grogna et leva un bras pour montrer un nuage qui ressemblait à une truite. Amusé, Faolan aboya gaiement et chercha à son tour une image. Soudain il se dressa d'un bond et remua la queue, très excité. Deux gros nuages s'étaient heurtés. Le premier avait une bosse au sommet et, juste au-dessous, deux arrondis qui lui dessinaient comme des épaules. Le second, plus petit et plus sombre, s'immobilisa au niveau de la bosse. Tandis que Cœur-de-Tonnerre s'asseyait pour les regarder, Faolan laissa exploser sa joie.

    -C'est nous ! C'est nous ! Je te chevauche dans le ciel !


    Sur ces mots, il bondit sur le dos de sa mère ourse. La femelles rugit de plaisir et elle repartit en gambadant, le sol tremblant sous ses pattes.


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InvitéInvité
MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Ven 17 Mai - 12:17

A quand la suite! Au fait, les histoires doivent obligatoirement parler d'animaux?
Étoile de Larme
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Ven 17 Mai - 15:26

Pas forcement, la mienne ne parle pas du tout d'animaux.
Petite Perle
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Sam 18 Mai - 20:45

Coucou c'est un début j'ai lu l'épilogue et les 2 premier chapitre!! Trop bien ;)
InvitéInvité
MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups. Dim 19 Mai - 3:17

Ok merci Sombrette!
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MessageSujet: Re: Le Royaume des Loups.

Le Royaume des Loups.

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